ton odeur sur ma peau (james)

Il soupire. Il fixe le plafond de sa chambre puis son cadran, à sa droite. Selon les chiffre rouges et brillants, il alterne entre les deux depuis quelques heures déjà. Il se dit que, couché comme ça, il devrait pourtant s’endormir, mais il n’y arrive pas. Le silence lui pèse. Il l’opprime, l’empêche presque de respirer, parce qu’il est complètement incapable d’arrêter de penser, d’y penser. Il lui donne l’impression qu’une tonne lui écrase la poitrine. Ses rideaux, pas complètement fermés, laissent entrer un brin de lumière jaunâtre, celle qui provient du lampadaire au-devant de la maison. Il lève la main pour la passer sur le drap à sa gauche. Il est froid. L’oreiller aussi. Il y jette un coup d’œil pendant un instant, comme s’il espérait quand même y voir quelqu’un. Comme s’il espérait y voir sa femme. Elle est encore au poste. Elle travaille sans arrêt. Il la sait passionnée par ce qu’elle fait et aussi particulièrement douée. Il comprend, parce qu’il est comme elle. Il voudrait être fier d’elle. Il l’est, mais il n’arrive pas à se sortir de la tête ce que le père d’Alix lui a dit quelques jours plus tôt. Tu devrais te méfier de ce Jayden, tu sais, le coéquipier de ta femme. Sur le coup, James n’a pas trop su quoi en penser. Lui aussi a une coéquipière du sexe opposé, il sait ce que c’est, ce que les gens peuvent penser, s’imaginer aussi. Il sait également comment peut être son beau-père, qu’il n’est pas du genre à apprécier tout le monde. Et puis James n’est pas du genre jaloux, mais il n’est quand même pas complètement idiot. Il les a observés, au poste, le jour suivant, puis ceux d’après. Il a compris. Il ne voulait pas le voir, mais c’est à leurs rires et leurs regards l’un pour l’autre qu’il a fini par se rendre à l’évidence. 

Il pousse un autre soupire et se passe les mains dans le visage, comme pour essayer de repousser cette l’idée. L’idée que son couple bat de l’aile, qu’il est marié à une femme qui en aime un autre, parce qu’il a vu comment elle le regarde, son coéquipier. Elle le regarde comme elle a déjà regardé James. Et puis il en vient à se demander si elle l’a vraiment déjà regardé ainsi ou est-ce que c’était lui qui se faisait des idées, lui-même aveuglé par ses sentiments pour elle. Il secoue un peu la tête. Il se créer des scénarios et il sent qu’il commence à perdre le contrôle de ses pensées. Il doit arrêter de tenter de deviner et de s’imaginer des choses. Il doit lui parler, il le sait, mais il est lâche. Il est lâche parce qu’il a peur. Il a peur qu’elle le quitte, de se retrouver seul. Pourtant, est-ce réellement mieux de continuer à faire comme si de rien était? Il sait bien que non. De toute façon, il ne le supporte plus. 

C’est le froissement des draps à sa gauche qui le fait sursauter. Il cligne des yeux pour tenter de les habituer à la noirceur, les rideaux ont été fermés. Il fait noir, mais il la sent à ses côtés. Elle lui tourne le dos, couchée le visage en direction de la porte, sa respiration est lente et régulière. Elle dort. Les doigts de James picotent un peu, il réalise que son bras est resté sous l’oreiller sur lequel elle a posé la tête. Il se mord la lèvre. Les chiffres à sa droite indiquent deux heures du matin. Il s’est endormi et ne l’a pas entendu arriver. Il se demande depuis quand elle est là. Il aurait probablement dû lui dire ce qui se passe, même s’il devait la réveiller, mais il n’arrive pas à s’y résoudre. À la place, il se retourne lentement dans la même direction qu’elle et pose sa main libre sur épaule qu’il caresse doucement. Il sent l’odeur de coco familière de ses cheveux, celle qui l’envoute complètement, et la chaleur de sa peau lui brûle presque les doigts. Il sent son cœur qui se sert dans sa poitrine, mais il l’ignore. Il replace délicatement ses cheveux derrière son oreille et pose un baiser léger sur sa mâchoire, comme il le fait toujours, et repose ensuite sa tête sur son propre oreiller et ferme les yeux. Il se dit encore que la conversation peut attendre au lendemain.