get your shit together (erinn)

get your shit
together

 

@erinn sanders

elle soupire, lève les yeux au ciel. elle ne sait même pas à qui appartient cet appartement. décoré sans goût, encore plus insipide qu’un ikéa miniature — et dieu sait que c’est dur. elle regarde la horde de sauvages qui s’époumone, une bière dans chaque main, sur les paroles de wonderwall. elle lève un sourcil. elle aime pas vraiment les gens, daisy. elle préfère être seule. avec clare, à la limite. son père. les deux ou trois copines qu’elle aime. rien de plus. alors se retrouver à une fête avec une vingtaine d’animaux, c’est vraiment pas sa place. elle donnerait beaucoup — tout — pour être emmitouflée sous un plaid, une série bidon à la télé.

elle aime pas les gens, daisy, et elle s’est retrouvée là en essayant de faire des efforts. mais la vision d’horreur qui se déroule devant elle la conforte dans cette solitude choisie. son verre d’eau à la main, elle se sent impuissante. hors de question qu’elle ingère un de leur whisky à deux balles, sans doute frelaté, de la supérette d’en bas.  et plutôt mourir que d’attraper une bière. elle est pas à sa place, daisy, et elle a qu’une envie, c’est de partir en courant. mais elle se l’est promis — elle restera au moins deux heures. un coup d’oeil à sa montre. dix minutes qu’elle a passé la porte.

la soirée va être longue.

dépitée, elle traverse la meute sauvage. oh, non, elle ne rejoindra pas leurs activités primitives. une heure cinquante. et puis, elle voit son salut. une porte vitrée. un balcon. de la fraîcheur, et un silence tout relatif, loin des reprises des succès des années 90 qui lui font bourdonner les oreilles. elle enjambe les cadavres de bouteilles qui jonchent déjà le sol et fait glisser la porte. surprise, ce n’était pas l’idée du siècle, puisqu’une jolie brune est déjà là, assise à même le sol. un regard en arrière. elle aurait préféré être toute seule, mais à choisir entre la cour des miracles et une demoiselle solitaire, la demoiselle solitaire ce sera. tant pis pour elle aussi. elle se laisse glisser le long de la baie vitrée, à côté de la brune. "désolée, je viens détruire ton havre de paix..." elle lui tend son verre d'eau, pour trinquer avec elle. une demande de paix. "j'm'appelle daisy. tu cherches à éviter quelque chose à l'intérieur, ou t'as juste une aversion pour les soirées pourries ?"

Sortir, sortir, sortir. Elle n’a que ça en tête depuis quelques jours. Tout pour fuir ses pensées qui tournent un peu trop dans tous les sens après deux soirées passées en compagnie du connard de service. La première où il était rond comme une queue de pelle et où elle avait dû le raccompagner à vélo jusque chez lui. Pas un merci, rien, il s’était contenté de l’embrasser en la prenant pour son ex, rien que ça. Et il avait eu le culot d’oublier, en plus. Elle s’en était rendu compte après la deuxième soirée où elle s’était retrouvée avec lui. Cette fois, c’était elle qui avait bu plus que de raison, et lui qui l’avait raccompagnée chez elle. Et qui avait eu la bonne idée de s’endormir dans son lit, à ses côtés. Elle avait déchanté au réveil, en ouvrant les yeux dans ses bras. Contrairement à lui, elle se souvenait des grandes lignes de la soirée, en particulier du fait qu’elle avait fait la connerie monumentale de l’embrasser. Qu’est-ce qui lui était passé par la tête à ce moment-là, elle se le demande encore, alors qu’elle le revoit la traiter de folle quand elle avait osé poser la question de savoir ce qu’il s’était passé après qu’elle se soit endormie. Parce qu’elle ne connaissait que trop bien sa réputation, l’avait vu à l’œuvre plus d’une fois au bar de l’hôtel, et elle avait du mal à s’imaginer qu’il puisse passer une nuit complète allongé à côté d’une fille en petite tenue sans que rien ne lui passe par la tête. A croire qu’elle le repousse vraiment tant que ça pour qu’il ne tente rien. Ou bien c’est qu’il n’est pas si con qu’il en a l’air, mais elle penche plus facilement pour la première hypothèse. Le tout qui se mélange avec sa soirée passée avec Richard, et il n’en faut pas plus pour lui embrouiller le cerveau. C’est pourquoi elle doit sortir. Prendre l’air Boire un coup, en évitant cependant de finir aussi ivre que la dernière fois. Elle ne voudrait pas se tordre à nouveau la cheville, alors qu’elle commence seulement à aller mieux. Elle avait reçu un message d’une connaissance à propos d’une soirée, et à défaut de mieux, ne voulant pas sortir seule, et Peyton n’étant pas disponible, elle s’était rabattue sur la fête improvisée dans un appartement. Mais à peine arrivée qu’elle a déjà envie de partir. Elle a l’impression de se retrouver à une soirée de fraternité, au milieu de gamins tous plus stupides les uns que les autres, et elle se demande ce qu’elle fout là. Elle attrape un verre, sans faire la difficile sur le contenu, et miracle, se rend compte que le balcon est vide de toute présence humaine. Elle se faufile un passage jusqu’à la baie vitrée qu’elle referme derrière elle, coupant le grésillement des basses qui lui vrille les tympans, et apprécie enfin un semblant de calme alors qu’elle se laisse glisser au sol. Elle profite de l’air qui commence à se rafraîchir, essaie de se vider la tête à mesure qu’elle vide son verre, mais elle se retrouve coupée dans son élan par l’arrivée d’une jeune brune, qui se laisse tomber à ses côtés. L’inconnu lui tend son verre, comme pour se faire pardonner, avant de se présenter. Erinn vient trinquer avec elle, accepte qu’elle vienne déranger sa solitude avec un sourire. « J’en déduis qu’on a la même aversion pour les soirées de merde, non ? » Elle boit une gorgée avant de se tourner vers elle. « Moi c’est Erinn. Toi aussi, t’as plus envie de te barrer que de rester ? »

get your shit
together

 

@erinn sanders

elle est mignonne, cette petite brune. elle a l’air aussi ravie qu’elle d’être entourée parce que l’univers fait de plus animal - les hommes. aussi heureuse que daisy d’être ici. une sorte de challenge visiblement partagé. quand elle a pénétré dans l’appartement, elle s’est souvenue, day, pourquoi elle aimait pas les gens. parce qu’ils font du bruit, qu’ils se donnent en spectacle, et qu’ils lui filent de l’urticaire. elle est pas comme ça daisy. elle est discrète, pas timide mais pas extravertie pour autant. elle aime le calme, surtout. le soir, ça devrait pas être fait pour se ruiner la tête aux sons commerciaux. c’est une vieille âme, daisy. à tout ça, elle préfèrerait mille fois une tisane et un plaid.
et puis, sans alcool, elle doit bien louper un truc. elle a déjà essuyé pas mal de regards accusateurs quand elle attrapait le jus d’orange destiné à la vodka. comme si son prime usage était un mélange sans intérêt et franchement plutôt banal.
retour à l’inconnue. erinn, qu’elle s’appelle. un joli prénom. erin brokovitch, celle qui se bat pour les autres, voilà ce que ça lui évoque, à daisy — le film préféré de son père. mais la erinn qu’elle voit, ce soir, elle a laissé tomber les armes. elle a raison, elles ont cette aversion en commun. éventuellement, une soirée, d’accord, mais seigneur faites qu’elle soit au moins intéressante.

daisy laisse échapper un léger rire, contente d’avoir trouvé une partenaire de dégoût. elle sait pas si elle aurait été aussi accueillante dans sa forteresse de solitude. elle sait pas trop se faire des copines, la brune, alors elle saute sur l’occasion. ça arrive rarement, ce genre de chose. à elle en tous cas. « enchantée, erinn. » elle étudie son visage, un peu plus en détail. elle lui dit quelque chose, mais elle arrive pas à mettre le doigt dessus.

il y a pas beaucoup d’explications au fait qu’elles soient toutes les deux là, sur ce balcon, assises à même le sol, alors que les gens s’amusent derrière elles. quand t’es pas à l’aise avec toi-même, c’est difficile d’être à l’aise avec les autres. elle ne le sait que trop bien, daisy. alors, c’est peut être l’eau trop calcaire ou l’air doux de la soirée, mais elle est bien décidée, la brune, de ne pas perdre totalement sa soirée et de repartir avec une copine en plus. pour un chiffre total de… quatre, tout au plus. « clairement, mais je me suis promise de rester au moins une heure. histoire de dire que je suis pas si asociale que ça. » elle baisse les yeux. « j’évite en général ces soirées, mais là, tout est préférable au vide intersidéral dans ma vie. c’est quoi, le démon que t’évite toi ? » elle est honnête, daisy, elle est tempête, daisy, mais pas avec les inconnus. d’habitude. mais elle lui inspire quelque chose de doux, cette erinn.